Compte rendu de visite de l’architecte Xavier Boutin

À THORAME-BASSE: TOUR DE PIÉGUT ET ABORDS

Réflexions après visite du 23 janvier 2020


La tour de Piégut, domine tant le mont du même nom que la vallée entière où se tient le village de Thorame-Basse.

La visibilité est le marqueur du lieu, la vue est panoramique sur la vallée et le grand paysage de la commune et la présence de la tour est très nette, omniprésente, tout autour, à grande distance.

La tour fait partie dʼun ensemble plus vaste qui couronne le Piégut :

– la chapelle saint Jean, médiévale à lʼorigine, modifiée et aménagée au fil des siècles pour être restaurée en 1993. Elle était jouxtée de bâtiments et servit à la fois dʼermitage et de lieu de pèlerinage.

– Les abords de la tour éteint probablement fortifiés et aménagés (un château plus complet ? une agglomération perchée ? un castrum ?). De ces bâtiments il subsiste des vestiges très érodés et illisibles, le reste dʼun petit bâtiment carré à lʼEst (citerne ?) et un fossé sec bien visible, à lʼOuest.

Sa visibilité paysagère, en éminence, est complétée dʼune grande valeur dʼattachement de la part des habitants de la commune et dʼune représentativité forte, voire exceptionnelle, au travers de la Provence, de ce type dʼédifice.

La tour de Piegut, sur plan carré de 7,5m de côté et dʼenviron 8m de hauteur conservée est un édifice impressionnant.

Construite probablement au XIV°s (1338 ?) dans un style qui pourrait la faire remonter à une période plus ancienne, elle est occupée jusquʼaux guerres de religion à lʼissue desquelles elle a été démantelée, à la toute fin du XVI°s. Elle a ensuite servi de carrière de pierres au XVIII°s., pour construire le château bas, au village.

La robustesse de lʼouvrage (moellons souvent en moyen appareil, pierres de tailles et mortier de chaux de première qualité) lui ont permis de résister, tant au recyclage quʼà lʼusure du temps.

Edifice de forme très simple, la tour ne nous montre pas moins que les vestiges bien conservés dʼune architecture de grande élégance : parois soigneusement ouvrées, angles à bossages, porte avec tympan sur linteau monolithique, logement de la barre de blocage de lʼhuisserie disparue, moellonnage finement appareillé, voûte en croisée dʼogive effondrée en son centre et reste de lʼétage et des sommets de mur qui ont accueilli un probable crénelage. Bien que vue et aimée de toutes parts, fréquentée par les amateurs du site et de son écrin redevenu naturel, il faut affirmé lʼétat actuel de déprise et même dʼabandon des lieux.

En outre, la haute valeur architecturale, paysagère, historique et sentimentale de lʼédifice va de pair avec un état préoccupant. Les risques dʼeffondrements sont présents : usure et érosion des arases sommitales, lessivages des joints, décomposition progressive des bords du reste de voûte, dislocation des arrachements issus de la suppression des pieds dʼangles et surtout érosions par fort creusement du soubassement même de la tour : la roche mère présente des lacunes importantes, surtout aux angles nord-est et sud-ouest. Ces lacunes sont évolutives et demandent à être renforcées pour soutenir lʼouvrage. Une fissuration issue du porte-à-faux ainsi généré apparaît dans les angles internes.

Les avis sont unanimes, à court ou moyen terme, lʼédifice est menacé et le caractère monolithique de lʼouvrage ne laisse pas de doute sur lʼampleur dʼun effondrement. Sans parler du pire, les abords sont dangereux du fait de la chute possible de pierres depuis lʼédifice et du fait de la présence de nombreux à-pics à son voisinage immédiat. La fréquentation nʼest cependant pas prête de tarir et est difficile à contrôler.

Ainsi tant au titre de lʼédifice lui-même quʼà celui de sa fréquentation dangereuse, la situation ne peut être laissée en lʼétat.

Lʼexpérience de nos nombreux chantiers de sauvegarde et de mise en valeur de sites et édifices ruinés historiques, en pleine nature, nous montre quʼun avenir est possible pour le site de la tour du Piégut.

La perspective possible dʼun projet de sauvetage pourrait associer la stabilisation complète et pérenne de lʼédifice dans la forme qui nous est parvenue tout en confirmant lʼusage actuel des lieux : la fréquentation de cet espace naturel remarquable, la visite et la présentation du vestige, au niveau de lʼaccès aux abords, à lʼintérieur et pourquoi pas au sommet, en belvédère.

En effet, lʼusage des édifices historiques ne peut être dissocié de leur sauvegarde. Au delà de la nécessité de conserver, il sʼagit de confirmer et dʼamender le sens des lieux en relation avec la société actuelle et future.

Ainsi sur la base dʼune connaissance des lieux développée, tant au niveau de lʼédifice (relevés, analyse architecturale, diagnostic des pathologies, etc.) quʼau niveau des abords (analyse paysagère interne et externe, recensement et caractérisations des dangers, atouts et dysfonctionnements des circulations et de la présentation de lʼédifice, etc.), un projet de sauvegarde et de mise en valeur peut être bâti et réalisé en plusieurs étapes :

étude de faisabilité :

relevés, état des lieux, esquisse du projet, chiffrages à ce stade et établissement dʼun dossier de demande de subvention.

Recherche et obtention des financements

Chantier de sauvegarde et de mise en valeur, incluant lʼaccessibilité du public à, dans – et au sommet – de lʼédifice.

Xavier Boutin, architecte

Apt le 18/02/2020

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